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Armance, femme, médecin (et mère) de famille

Je fais un rêve...

Ce mois-ci voit les étudiants en médecine de fin de second cycle choisir leur spécialité future à l'issue de l'Examen Classant National. La médecine générale est maintenant considérée dans cet examen comme une spécialité à choisir parmi d'autres, mais il est clair que les mentalités ont encore du chemin à faire: il semble que la médecine générale soit encore un choix par défaut.

Les jeunes diplômés dans notre spécialité tardent ou hésitent de plus en plus à s'installer en libéral, qui reste pourtant en France le seul moyen d'exercer la médecine "de famille". Il faut dire que les étudiants ont une formation principalement hospitalière, très peu tournée vers l'extérieur. La médecine "de ville" est la grande inconnue pour la majorité des étudiants au moment de leur choix, et il peut paraître logique qu'ils s'orientent en priorité vers ce qu'ils connaissent, l'enjeu étant considérable pour eux.

La pénurie de médecins généralistes libéraux, particulièrement dans les zones considérées comme "désert médical", c'est-à-dire soit peu peuplée avec très peu de médecin, soit très peuplée avec insuffisamment de médecins par rapport à la population semble appelée à perdurer. Je viens d'en faire l'expérience. Nous avons accueilli il y a deux mois une nouvelle associée dans notre cabinet, espérant diminuer notre charge de travail. Le bilan au bout de deux mois est une activité tout à fait correcte pour elle (une vingtaine d'actes par jour), et une absence totale de diminution pour mon autre associé et moi. Nous avions espéré une répartition, nous avons pour l'instant un effet d'appel d'air.

Dans les mesures envisagées pour tenter de remédier à ce décalage entre les besoins et la réalité de l'offre, plusieurs solutions sont à l'essai ou en projet. L'une est d'augmenter le numerus clausus, ce qui n'aura d'effet que sur le nombre total de médecins dans un grand nombre d'années, mais n'aura pas d'effet sur leurs motivations. Des mesures plus ou moins coercitives ou plus ou moins attractives ont été envisagées: aides à l'installation, contrats divers. Ces mesures tiennent peu compte de la réalité de terrain et comptent sur un effet relativement court, quelques années tout au plus.

Un autre aspect souvent occulté est celui de l'usage que les patients font de notre système de santé. Il est difficile d'établir si la pression croissante exercée sur les soignants est issue d'une exigence plus marquée des patients ou simplement du manque d'offre: le nombre de médecins disponibles augmente moins vite que la population de croit.

Et pourtant, tout médecin généraliste vous dira qu'il effectue quotidiennement des actes qui ne nécessiteraient pas sa compétence, actes nombreux et induits à la fois par des années de pratique clientéliste mais aussi par un mésusage par méconnaissance par les patients des missions et du rôle du médecin de terrain.

Car, en fait, quel degré de connaissance nos concitoyens ont-ils de la santé en général, et du fonctionnement du système de soin en particulier?

De nombreuses petites phrases ou abus de langages entendus quotidiennement dans mon cabinet sont significatifs, comme "la sécu, je cotise donc j'y ai droit" ou la confusion si fréquente entre les termes de "maternité", "clinique" et "hôpital".

Réformer le fonctionnement de notre médecine générale va devenir une urgence, mais il serait naïf de ne pas se pencher sur l'information et l'éducation des patients.

Dans un pays où l'éducation à la santé est indigente, chaque médecin s'implique à sa façon et selon son degré de conviction, et finalement l'usage que les patients font des soins relève principalement de la transmission d'habitudes familiales. L'usage et le mésusage que font certains patients des services d'urgences relèvent parfois de la simple naïveté. De même, il est édifiant lorsque l'on participe à la régulation du SAMU de constater qu'un grand nombre d'adultes ne savent ni ce qu'est la fièvre ni que cette information puisse être utile à un médecin, ou ignorent l'importance que peut avoir le fait de prendre ou non des médicaments au long cours.

Les Caisses d'Assurance Maladie ont tenté de modifier les habitudes en usant de diverses stratégies. Les campagnes d'information grand public, du type "Les antibiotiques, c'est pas automatique", on un impact perceptible mais modeste. Les mesures financières, comme les baisses de remboursement des actes effectués hors parcours coordonné ont un impact plus fort, mais pas toujours dans la direction espérée initialement: le volume de démarches administratives exigées par les patients à leurs médecin pour obtenir un remboursement des actes augmente, la pression ne se répercute pas au bon endroit et fausse la relation médecin-patient. En plus de s'occuper de la santé de ses patients, le médecin se voit sommé de veiller au bon remboursement des actes.

Pourquoi donc ne pas agir à long terme et en amont?

Il serait intéressant de développer chez nos enfants, qui sont les patients, enfants de patients et parents de patients de demain, une éducation sanitaire au travers de l'école.

Enseigner aux petits les bases de l'hygiène et de la nutrition, de la connaissance de leur corps se fait de façon encore trop ponctuelle.

Si les adolescents sont initiés au fonctionnement du système juridique lors de leur enseignement d'éducation civique, il est dommage qu'ils ne soient pas initiés à la connaissance de leur système de santé: connaissance des institutions et des soignants, de leurs places et rôles respectifs, connaissance du principe de solidarité.

Il serait civique également d'initier tous nos enfants aux gestes de premier secours en classe de troisième, par exemple, et de leur enseigner simplement ce qu'est réellement un médicament, ou même un certificat.

Les patients sortiront peut-être ainsi du statut d'"usager de la santé" pour prendre celui de "citoyen", car la santé est vraiment l'affaire de tous.

... au risque de devenir un jour #PrivésDeMG

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C
Est-ce vraiment à l'école d'initier aux gestes de premiers secours? Les médecins se plaignent suffisemment de devoir s'atteler à des tâches, particulièrement administratives, qu'ils estiment ne pas être de leurs compétences, pour ne pas vouloir infliger ça aux enseignants!<br /> Si le patient doit devenir un &quot;citoyen&quot;, il en est de même pour le médecin qui prescrit à tour de bras (c'est moi qui ai dit à mon médecin que les antibiotiques c'est pas automatique, à force de m'en voir prescrire presque systématiquement!).<br /> S'il-vous-plait, ne soyez pas un généraliste qui généralisent!
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D
Bonsoir, je trouve votre réflexion tout à fait intéressante, en effet l éducation à la santé, à l alimentation équilibrée est une base qui en effet mériterait sa place dans le système scolaire, cela permettrait aussi de toucher les parents, et au long terme d avoir un recours plus efficace aux soins, il y a des familles ou les bases d une alimentation équilibrée ne sont pas connues, où personne ne sait cuisiner, où les parents ne savent pas lire, alors l enseignement peut toucher ces cercles et apprendre des choses utiles pour tous et pour la vie, ça pourrait être perçu comme très gratifiant pour le corps enseignant? Pas forcément comme un boulet qu'on leur ajoute comme semble le sous entendre un commentaire précédent..au bout du compte, en tant que médecin j éduque au maximum les patients et ça marche, ils se sentent valorisés dans leur rôle, et la consultation est plus efficace, par exemple pour un patient qui consulte pour hypertension et qui mesure correctement chez lui ses tensions avant sa consultation, et qui vient avec sa dernière ordonnance et prise de sang...c est une démarche qui prend du temps au départ et bien qu'absolument pas valorisé par le système de santé actuellement en France est motivante aussi pour le médecin, en précisant que je suis cardiologue et que j ai suivi des formations en éducation de la santé, et bien qu'exaspérée par le peu de moyens donnés pour ce type de démarches, j espère que cela changera... Encore merci pour vos réflexions et votre blog,
A
Ce n'est pas forcément &quot;à l'école&quot; de le faire, mais l'enseignement des gestes de premier secours devrait se faire &quot;dans le cadre de l'école&quot;, le seul lieu que fréquentent tous les enfants de moins de seize ans. <br /> Le but n'est pas de reporter cette mission sur les enseignants qui ne sont pas forcément formés pour ça. <br /> Faire intervenir médecins ou secouristes pour faire passer systématiquement le brevet de secourisme en troisième n'est pas compliqué techniquement à mettre en place. <br /> Il existe déjà des interventions de prévention routière, il serait simple d'en faire sur le secourisme sur le même modèle. <br /> Des études ont montré un effet très positif de l'enseignement de ces gestes à grande échelle sur la première prise en charge des patients en cas d'urgence.
C
un généraliste qui généralise!
H
bonjour<br /> moi même je m y perds dans la différence entre hôpital(public) et clinique (privé) puisque le chu de Nantes a comme service la Clinique de dermatologie !
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