Ni en tant que médecin, ni en tant que Maman je n'échappe à l'effervescence de la rentrée des classes.
En tant que médecin, je me prépare à assumer les demandes abondantes, urgentes et impératives, mais, je le rappelle, non vitales, de "visite annuelle pour un certificat sportif". Je me suis organisée pour en établir tout au long de l'été, mais vont arriver cette semaine tous ceux qui ont attendu le dernier moment. Outre les nouveaux arrivants fraîchement mutés à qui je ne peux rien reprocher car ils sont encore en train de chercher les carnets de santé dans les cartons, les stars de la consultation urgentissime de dernière minute vont refaire leur apparition, je les avais oubliés depuis 2 mois, avec les justifications habituelles: "le club/l'école ne ME le prendra pas si je n'ai pas le certificat/la vaccination faite". Si je les écoute, je vais leur faire prendre le risque de déscolariser leur enfant, avec le CNED et tout et tout, parce que j'ai eu l'outrecuidance de leur proposer de venir le faire vacciner jeudi et pas lundi, puisque la rentrée a lieu mardi. Certains jours, je me dis que je dois être d'une inconséquence rare.
Ce jour-là, donc, mardi, je vais devoir éliminer un certain nombre de diagnostics d'appendicite, ça aurait été trop ballot, pour les transformer en diagnostic d'angoisse scolaire, sans réellement savoir si elle émane plus des enfants ou de leurs parents, et conseiller de remettre la rentrée au lendemain, puisqu'aujourd'hui, de toutes façons, c'est cuit.
Et en tant que Maman, j'ai moi aussi fait les courses de petits cahiers à grands carreaux, grands cahiers à grands et petits carreaux, feuilles de calque et de Canson, crayons, stylos avec et sans plume, gommes, correcteur liquide et à ruban, clé USB demandée impérativement et qui n'a pas servi l'an passé, si ce n'est à s'échanger des films entre copines, mais certainement pas à alléger les cartables: les enseignants de mes enfants sont d'accord sur le fait que transporter autant de poids n'a pas de logique, mais chacun justifie et tient au transport systématique de SON livre et SES cahiers, plutôt que des feuilles volantes. La clé USB est encore loin de la saturation, et je commence à envisager de me fournir les prochains sacs d'école au rayon "montagne" d'une enseigne de sport.
Le fait que je sois médecin me dispense de la case "consultation" pour le certificat médical de mes enfants. Il faut bien reconnaître que j'ai ce privilège, et mes enfants avec. Je les pèse et les mesure une fois par an, ou plutôt elles le font elles-mêmes à l'occasion d'un passage express à mon cabinet pour régler un problème administratif. Comme je ne suis pas totalement victime du syndrome du cordonnier, et que par ailleurs des séjours dans des contrées moins bien dotées du point de vue sanitaire m'ont convaincue des bienfaits de certaines vaccinations, je les vaccine, mais toujours en retard.
Chez moi, point de préparation psychologique à la redoutable piqûre qui fait trembler rien qu'à son évocation, pas de nuit blanche la veille, ou d'angoisse à la vision de la boîte à chaque ouverture du frigo. Le vaccins y sont rangés, mais souvent depuis plusieurs mois, voire années, je l'avoue, sous couvert de l'anonymat, bien sûr. Les victimes potentielles auront largement eu le temps de se désensibiliser à leurs vue, voire même d'ignorer le danger potentiel. Je vaccine mes filles en règle la veille de la rentrée, c'est à dire demain, au moment précis où je remplis la "fiche sanitaire" du dossier d'inscription sur la table de ma cuisine. Quand j'ai déjà rempli plein de fois le même numéro de téléphone à "Maman", "Médecin traitant", "personne à prévenir en cas d'urgence", "médecin à contacter en cas d'urgence", on me demande de noter la date de la dernière vaccination avec écrit en petit en bas après l'astérisque une phrase qui me rappelle le caractère officiellement obligatoire du vaccin antitétanique. Invariablement, je m'empare à ce moment là du vaccin qui attendait tranquillement son sort dans mon frigo, et je profite de l'irruption de la destinataire dans la cuisine, généralement pour se resservir une deuxième fois des céréales, pour lui infliger l'injection avec une prestance redoutable.
Et comme beaucoup de Mamans, je vais devoir jouer à Tétris avec les emplois du temps de toute la famille, imbriquer les horaires d'activités des uns avec ceux de travail des autres, trouver des solutions pour convoyer ou faire convoyer tout ce petit monde et éventuellement celui des voisins au bon endroit au bon moment, établir une organisation qui fonctionne, avec un minimum de grains de sable. S'ils sont malades, je peux les soigner, mais pas les garder.
Et en tant que médecin, je me demande toujours à cette période ce que je pourrais faire pour faire changer ma façon de travailler, rendre mon métier plus conciliable avec une vie de famille un peu moins décousue.
Moi aussi, j'aimerais avoir des cahiers neufs!